terça-feira, 31 de julho de 2007

Trop modeste !

par Jacques Lourcelles

Qu’une revue savante comme 1895 s’intéresse au grand artisan que fut Christian-Jaque et qu’une quinzaine de chercheurs, de générations différentes, reconstitue le parcours de cet homme actif et peu loquace n’est enfin que justice. Christian-Jaque a peu parlé, c’est-à-dire a peu cherché à se donner de l’importance par la parole. L’important pour lui, c’était ses films, la continuité de sa carrière où il a démontré, en plus de cinquante ans, une énergie et une santé peu communes. On voit cependant, notamment grâce à Rémy Pithon et Jean-Pierre Bertin-Maghit, qu’interrogé avec précision et intérêt, il ne répugnait pas à commenter son œuvre, mais sans jamais s’attacher à se mettre en valeur.

De 1930 à 1960, Christian-Jaque est un pilier fondamental du cinéma français, le moins étudié sans doute jusqu’ici, mais sans lequel la connaissance de ce cinéma serait gravement incomplète. Le maître mot de son œuvre est éclectisme, une autre façon de se cacher derrière ses films (les cinéastes les plus éclectiques sont en général les plus longs à se faire reconnaître à leur juste valeur) : éclectisme au cours des différentes périodes de son œuvre, éclectisme à l’intérieur de chacune d’entre elles. Quel genre de films en effet n’a-t-il pas illustré : outre ses nombreux vaudevilles, la fresque historique, la comédie et le drame de mœurs, le récit onirique et semi-fantastique, le film biographique et hagiographique, la fantaisie historico-érotique, le film à sketches et de multiples adaptations littéraires ? On irait plus vite à énumérer ceux qu’il n’a pas traités !

Formé par le journalisme, la décoration, l’assistanat, il s’illustre d’abord par une incroyable série de vaudevilles, comédies lestes et burlesques, qui frappent par leurs aspérités, leurs inégalités volontaires ou non (mélange de nonchalance dans la conduite du récit et de précision dans la recherche de certains effets de surprise et de comique), et surtout par leur très grande audace de situation et de texte (voir par exemple la Maison d’en face). La fin des années trente et la période de l’Occupation révèlent chez lui une ambition accrue, la découverte de ses véritables thèmes et ce qu’on pourrait appeler un lyrisme plastique exprimant parfois la gravité secrète de certains êtres tourmentés (cf. Sortilèges). Associé ou non à l’œuvre, qui lui est fraternelle, de Pierre Véry, l’esprit d’enfance, lié chez ce jouisseur gai, faussement roublard, à une sorte d’ingénuité foncière, va rendre ses films de plus en plus attachants. Cet esprit ne se limite pas à la description d’un âge de la vie mais est une caractéristique diversement répartie selon les êtres et qui, chez certains, ne les quitte jamais, comme on le voit dans le charmant et méconnu Premier bal. C’est grâce à son ingénuité profonde, cachée sous son habileté et sous sa verve, que Christian-Jaque a pu, je crois, si bien tirer de Fernandel l’essentiel de sa personnalité de base: inventivité burlesque délirante et inépuisable, chaleur humaine, puissance illimitée de sympathie. À partir de là, d’autres cinéastes ont pu se risquer, avec ce grand acteur, à des contre-emplois, à des audaces insolites qui eussent été, sans l’apport de Christian-Jaque, à peu près impensables.

L’œuvre de Christian-Jaque est jalonnée de titres glorieux qui, selon la formule consacrée, auraient mérité d’être anonymes, tant ils ont adhéré de manière immédiate, puis peu à peu permanente et finalement intemporelle, aux goûts instinctifs du public: François 1er où le cinéma est utilisé, autant dans le registre comique que dans le registre fantastique, comme machine à remonter le temps, les Disparus de Saint-Agil, épopée universelle des curiosités de l’enfance, Fanfan la Tulipe, avec cette habileté rare à harmoniser dans le même récit aventureux personnages sympathiques et inquiétants, caricatures fantaisistes et ridicules, innocents et monstres froids. Une grande part du talent de Christian-Jaque venait aussi du fait qu’il considérait avec le même respect et la même acuité du regard une silhouette passant brièvement dans une scène, un second rôle bien rodé et solide ou une vedette d’immense renom. Secret presque intégralement perdu de ce cinéma français des années trente-soixante.

On n’oubliera pas non plus que dans le film biographique (la Symphonie fantastique, D’homme à hommes), où il a connu des triomphes, il a fait entendre une discrète mais vibrante note humaniste, à la limite de l’utopie, qu’on relèvera, pour la dernière fois, dans ce qui est sans doute son dernier film vraiment personnel, Si tous les gars du monde...

Beaucoup, presque tout, reste à dire sur ce cinéaste plus complexe dans sa diversité qu’il n’y paraît au premier abord et cet ensemble de textes ne se veut rien de plus qu’une étape entre le travail pionnier de Raymond Chirat et Olivier Barrot dans Travelling en 1976[1] et la vaste biographie critique qui, espérons-le, sera entreprise un jour par un exégète.

J’ajouterai une dernière remarque. À Éric Leguèbe qui lui demandait pourquoi il maintenait une « cadence ininterrompue de tournage », il répondit: « Il faut être là. Je sais que je pourrais m’arrêter un an ou deux mais alors je ne reviendrai jamais et je ne tournerai jamais plus. »[2] Cette réponse, pleine de sens, montre que chez certains cinéastes (comme Allan Dwan, aux États-Unis, dont l’œuvre, sauf sur ce point, ne saurait évidemment être comparée à la sienne) la prolixité est une condition sine qua non de la création. Les moins bons films sont nécessaires, d’une certaine façon, à l’élaboration des meilleurs. L’œuvre est un tout continu à l’intérieur duquel c’est au critique, non au créateur, de créer des hiérarchies, d’analyser des courants. C’était là la dernière modestie de Christian-Jaque, et non la moindre.

En résumé, Christian-Jaque possédait les caractéristiques principales qui font, au cinéma, les méconnus: la modestie, l’éclectisme, la prolixité. Puisse cet ouvrage contribuer à le remettre un peu à la place qu’il mérite, tant sur le plan historique qu’esthétique.

1. Sans oublier le chapitre très novateur pour l’époque de l’excellent livre de Pierre Leprohon, Présence contemporaines. Cinéma, Paris, Debresse, 1957.
2. Éric Leguèbe, Confessions: un siècle de cinéma français par ceux qui l’ont fait, Paris, Ifrane, 1995, 2 vol.

"J'ai mis en suspens ma série de films cyniques" (BDP, Cahiers du cinéma n° 546, maio 2000)

sexta-feira, 13 de julho de 2007

Lise, ma petite Lise



Sangue Ruim é um filme que ama o cinema, mas que não ama o cinema de hoje. - Leos Carax, 1986

terça-feira, 10 de julho de 2007

It flows on like a river




(subentendido o risco permanente de enchentes e inundações)

Marienbad introduced to a generation of filmgoers the idea of the film as a self-contained world where past, present, real and imaginary images coexist without reference to external reality. Like the great films of Italian neorealism, Marienbad fractured the flow of narrative images with a musical gamut of discontinuities that freed film from the conventions of action/reaction, seeing/seen, perception/emotion that governed classical cinema, substituting for a 'common reality' entirely composed of cliches a mental world like the one we inhabit every day. Turning Bertolt Brecht's 'estrangement effect' into a source of pleasure, as surrealists like Tex Avery had done in their seven-minute cartoons, the film's feats of cinematic legerdemain - vanishing characters, characters who appear to be in two places at once, changing backgrounds and games with sound and image, like the uncanny moment when the stage actor's lips begin to move in time with X's voiceover - revolutionized the relationship of audiences to cinema.

In addition, that revolution transformed the once largely unconscious activity of interpreting films by inviting the spectator to attach multiple and contradictory meanings to the film's action and characters. Here are a few: 1) X is lying, trying to seduce A by describing an affair that never happened. 2) X is telling the truth, and A is in denial. (These two opposed interpretations were trotted out for the press as the conflicting views of Robbe-Grillet and Resnais respectively, a marketing device with a praiseworthy didactic intent.) 3) X and A are puppets controlled by the masochistic M. 4) As in a Breton legend Resnais knew from childhood, X is Death, come to claim A after granting her a year's reprieve. 5) A is ill, and the hotel is a sanatorium. 6) X is Orpheus, come to bring Eurydice back from the land of the dead, where the cadaverous M is king. 7) The three leads are figures in the dream of a woman struggling to liberate herself: A symbolizes the ego, X the Id, M the superego. 8) X is the only real person in a castle filled with phantoms like those in Alfredo Bioy-Casares' La invention de Morel - three-dimensional images mechanically repeating actions that are registered once and for all, like the images of a film. The question of conflicting interpretations is raised within the film by the enigmatic sculpture, which like the film itself has no referent in reality: Resnais had the sculpture made to match Robbe-Grillet's description, suggesting that the sculptor model it on minor characters in a painting by Poussin.

Marienbad nonetheless tells a story with a beginning, middle and end: A does leave the hotel with X. For Robbe-Grillet, who sees any film as a succession of present moments with no past or future, Marienbad tells the story of all his novels, an attempt to 'make an annoying void disappear.' 'What happens is just the opposite,' he told Andre S. Labarthe and Jacques Rivette in 1961. 'The void invades and fills everything. In Marienbad you think that there was no "last year," and only later do you realize that "last year" has invaded everything: you're in it. In the same way, you believe that there's no Marienbad, only to realize that that's where you've been from the beginning. The event which the woman refuses ends up contaminating everything, so that even though she thinks she has never stopped fighting, and has won since she has always refused, she realizes at the end that it's too late - she has accepted everything. Just as if it were all true, even though it probably isn't.'

For Resnais, however, Marienbad takes place in mythical time, like the stories of Cinderella, Sleeping Beauty, Orpheus and the Breton maiden's bargain with Death, because he has constructed his film as a castle haunted by the great storytellers of cinema: Welles, Lang, Hitchcock (seen in silhouette in one shot), Cocteau, Pabst, Epstein, Gance, L'Herbier, Ophuls, Sternberg, Renoir, Disney, Lewton, Feuillade, Guitry, Bunuel, Bresson, Visconti, Antonioni, Bergman, Rossellini. Because his film is an original creation within which all those influences resonate, it is 'open to all myths,' as the director told Labarthe and Rivette. And although it is as singular an object as cinema has produced, it will be a long time before we see the last of its descendants.

Hitchcock, by the way, loved Resnais, whom he described as "almost a surrealist."



Bill Khron

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